
1917 – 2018
américain – économiste
Courant : approche décisionnelle
Charles E. Lindblom fait des études à l’université de Stanford à Palo Alto, puis à l’université de Chicago, où il suit les enseignements de Frank Knight. Il écrit, sous sa direction, sa thèse de doctorat sur le rôle des syndicats dans une économie de marché. Après un court passage à l’université du Minnesota, il devient professeur d’économie à l’université de Yale (New Haven) où il fera toute sa carrière.
C. Lindblom fait partie de ces économistes qui, comme John Buchanan, Anthony Downs, Albert Hirschman, Mancur Olson ou Thomas Schelling, pour ne nommer que ceux-ci, s’intéressent à l’économie en politologue, et aux questions politiques et sociales avec l’œil et le raisonnement de l’économiste. Le résultat est stimulant et enrichissant pour les deux disciplines.
De l’incrémentalisme…
C’est donc en économiste qu’il apporte très tôt une contribution essentielle à la démystification de la vision trop imposante de la planification et de l’action dans les organisations notamment publiques. Dans un premier livre, écrit en collaboration avec le politologue Robert Dahl et publié en 1953, Politics, Economics and Welfare, il propose la notion d’incrementalism>(« incrémentalisme») pour caractériser la manière dont se décident les politiques : celles-ci ne sont pas guidées par une vision globale, capable d’articuler et de hiérarchiser les diverses lignes d’action, mais par un tâtonnement qui procède par initiatives partielles qui s’ajoutent les unes aux autres et sont réajustées au coup par coup.
… à l’ajustement mutuel partisan<
Dans son célèbre article « The Science of Muddling through », C. Lindblom va plus loin dans la mise en cause des prémisses de rationalité d’une approche planificatrice et optimisatrice de l’action publique. Avec la notion de mutual partisan adjustment, (« l’ajustement mutuel partisan »), il montre que le policy process(« élaboration des politiques ») n’est pas (ne peut pas être et ne doit pas être) l’incarnation linéaire d’une rationalité omnisciente, prévoyante et visant l’optimisation du bien commun. Il doit au contraire être compris comme le résultat, qu’on ne peut ni prévoir, ni planifier, de la compétition relativement désordonnée entre des acteurs qui, avec ce que nous appellerions aujourd’hui leurs rationalités limitées, cherchent à tirer leur épingle du jeu (to muddle through) au mieux de leurs capacités respectives et découvrent chemin faisant ce qu’ils voulaient réellement faire.
Dans l’utilisation de ce mécanisme, qui donne des résultats bien supérieurs aux processus apparemment plus ordonnés de la planification, C. Lindblom situe ce qu’il appelle The Intelligence of Democracy, titre du livre dans lequel il a systématisé cette vision. Mais c’est en politologue que, dans un livre essentiel, Politics and Markets, cet admirateur du marché en tant que mécanisme de coordination et d’organisation, devient le critique sévère d’une économie de marché prise dans l’asymétrie de rapports de force biaisés en faveur des grandes organisations.
Et c’est aussi en politologue que, dans son livre suivant – Inquiry and Change: The troubled Attempt to Understand and Shape Society, 1990 – il cherche à approfondir le rôle que les sciences sociales peuvent jouer dans la tentative d’infléchir les processus sociaux en élargissant la rationalité des acteurs qui y participent.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.