1925 – 2019
américain – sociologue
Courant : théorie de la contingence structurelle
Ancien GI, Charles Perrow passe quelques années à s’essayer à une carrière littéraire avant d’entreprendre des études de sociologie à Berkeley où il devient l’élève, puis l’assistant de recherche de Philip Selznick, alors jeune et brillant professeur de sociologie, déjà réputé comme analyste des organisations pour son étude de la bureaucratisation de la Tennessee Valley Authority (TVA), une agence de développement régional créée par Franklin D. Roosevelt dans le cadre du New Deal.
De la théorie de la contingence structurelle…
Après avoir soutenu une thèse sur les conflits de buts au sein d’un hôpital public de San Francisco (conflits entre les exigences de la recherche médicale, de l’enseignement et des soins ambulatoires), C. Perrow devient assistant professor à l’université de Michigan.
Il y dirige une vaste étude comparative de sept foyers de rééducation de jeunes délinquants, échantillon qui couvrait un éventail allant de foyers purement disciplinaires à des foyers qui appliquaient des méthodes thérapeutiques. C’est au cours de cette étude que C. Perrow développe les fondements de sa conception contingente des organisations : il n’y a pas une seule bonne manière de faire fonctionner de tels foyers, mais bien plusieurs : tout dépend de la conception que les cadres du foyer ont de leur « matière première » (à savoir les jeunes délinquants).
Il développe et approfondit cette conception dans deux grandes études comparatives d’entreprises industrielles et deviendra, avec Paul Lawrence, Joan Woodward, Peter Blau et quelques autres, l’un des principaux protagonistes de la « théorie de la contingence structurelle ». Cette théorie s’inscrit à la fois en rupture avec les conceptions (alors dominantes) de l’école des relations humaines et celles, universalistes, de la science de l’organisation qui considérait qu’il n’y avait qu’une seule et bonne manière d’organiser une entreprise, et ce, indépendamment de son contexte.
Mais, très vite, les résultats d’autres études s’avèrent peu concluants au regard de sa propre théorie sur l’influence de la technologie sur la structure et le fonctionnement de l’entreprise. En effet, C. Perrow découvre que des entreprises ont un fonctionnement bureaucratique quand, selon sa théorie, elles n’auraient pas dû l’avoir, et inversement, des entreprises qui auraient dû fonctionner sur le mode bureaucratique ne le font pas. Il prend conscience du fait que les organisations sont le produit de l’interaction de beaucoup plus d’éléments (ou de contingences) que ne le supposaient les schémas un peu trop simplistes de la « théorie de la contingence structurelle ». Il se détourne alors de ce type d’études et de cette conception.
Au lendemain des mouvements de protestation des années 1960, auxquels il participe activement, il oriente ses recherches vers l’étude des mouvements sociaux et leur rôle dans le changement de la société. Dans le même temps, il cherche à faire la synthèse de ses analyses et de sa réflexion sur les organisations et, en 1972, publie Organizational Analysis: A Sociological View, puis en 1986, Complex Organizations: A Critical Essay, livre qui est devenu l’un des manuels les plus influents de la discipline aux États-Unis et ailleurs. Il travaille à une grande étude sur l’origine historique des bureaucraties industrielles aux États-Unis, lorsqu’un événement totalement imprévu intervient, qui donne à sa carrière une nouvelle direction.
… à Normal Accidents
En mars 1979, un nuage radioactif est émis par la centrale nucléaire de Three Miles Island. À la suite de cet incident, qui aurait pu avoir des conséquences catastrophiques, une commission d’enquête est créée. Elle demande notamment à C. Perrow de comprendre (d’un point de vue sociologique) ce qui s’est passé. Il élargit rapidement cette analyse à une réflexion sur le fonctionnement des systèmes technologiques hautement complexes et à haut risque – les centrales nucléaires, les usines chimiques, les routes de transports maritimes, l’aiguillage aérien… – qui tendent à produire ce que C. Perrow appelle des « accidents normaux ». Par ce terme, il désigne des accidents dont la survenance est « normale » (la fiabilité absolue est impossible à atteindre) et imprévisible car elle est le produit de plusieurs pannes ou dysfonctionnements qui, pris isolément, sont souvent triviaux, mais dont la coïncidence peut entraîner des conséquences dramatiques.
Depuis lors, C. Perrow a continué à étudier et à faire étudier les accidents, les activités à risque, et la gestion des risques sociétaux. Parallèlement, il avait repris son projet de l’étude des origines et de la constitution historique de la grande entreprise industrielle aux États-Unis et de ses conséquences sur la société.