
1928 – 2018
américain – économiste
Courant : approche décisionnelle
James G. March est un des personnages centraux de l’histoire de la théorie des organisations. Il rejoint Herbert Simon au Carnegie Institute of Technology en 1955 et devient un des membres éminents de ce qui sera connu plus tard comme le groupe (ou l’école) de Carnegie. Il y co-rédige deux des livres emblématiques du groupe, <i>Organizations</i>avec H. Simon en 1958 et <i>A Behavioral Theory of the Firm</i>avec Richard Cyert en 1963.
Au milieu des années 1960, il accepte le poste de Dean of Social Sciences dans un nouveau campus de l’université de Californie, à Irvine. En 1970, il intègre l’université de Stanford où il fera le reste d’une carrière prestigieuse. Il y crée et anime SCANCOR, un centre qui matérialise les liens étroits qu’il entretient avec Johan Olsen et, plus largement, le monde scandinave. Il y enseignera pendant de longues années un cours sur le leadership, cours devenu « mythique » et publié beaucoup plus tard, en 2005, sous le titre <i>On Leadership</i>(avec T. Weil).
Le parcours intellectuel de J. G. March est tout entier centré autour d’une réflexion sur la rationalité humaine et sur les influences réciproques qui lient organisations et prise de décision : les caractéristiques des organisations structurent la manière dont les individus prennent leurs décisions, et réciproquement, les décisions prises affectent le fonctionnement des organisations. C’était l’apport principal du livre qu’il avait écrit avec H. Simon, <i>Organizations</i>, et dans lequel les auteurs développaient le concept de « rationalité limitée » et s’attachaient à analyser l’organisation comme un outil permettant de transmettre et d’améliorer les données qui orientent les décisions de chaque participant.
Dans son deuxième livre, <i>A Behavioral Theory of the Firm</i>, écrit avec Richard Cyert en 1963, il propose de son côté une critique radicale du modèle microéconomique de la firme. Les auteurs, d’une part, soulignent le caractère politique du fonctionnement d’une organisation (celle-ci, loin d’être unifiée, est un champ d’affrontements entre des rationalités multiples, affrontements qui se résolvent par la constitution d’alliances) et, d’autre part, démontrent que les décisions sont essentiellement le résultat de l’application de règles, de routines, de « standard operating procedures » mises en place dans l’organisation même. Enfin, avec la notion de « slack organisationnel », qu’on pourrait traduire par « réserves dormantes », ils font exploser la fiction du fonctionnement optimal d’une organisation : pour pouvoir fonctionner, permettre les négociations entre les partie prenantes et faire face à des évènements imprévus, les organisations ne peuvent se passer de « réserves dormantes », ce qui veut dire qu’elles auront un niveau de performances <i>sous-optimal</i>. L’ambiguïté fondamentale des contextes d’action et l’instabilité des préférences des décideurs constituent un deuxième thème de prédilection de la réflexion de J. March.
Il en tire deux lignes de questionnement. La première va interroger l’importance des intentions : pour lui, celles-ci comptent souvent moins dans la prise de décision que la rencontre fortuite de problèmes, de solutions et d’opportunités. C’est la thématique de « The Garbage Can model of Decision making» ou « modèle de la poubelle », article provocateur écrit avec Johan Olsen et Michael Cohen, qui a acquis la réputation imméritée d’être une apologie du désordre alors qu’il ne s’agit que de l’analyse d’un ordre différent comme J. March se plaît à le souligner. La deuxième ligne de questionnement tire toutes les conséquences de l’instabilité des préférences et s’interroge à la fois sur la genèse des préférences et sur les modalités qui permettraient aux individus de découvrir de nouvelles préférences plus intéressantes et plus riches. Le troisième thème qui parcourt la réflexion de J. March est celui de l’apprentissage et est assez proche de ce qui vient d’être souligné. La question est ici de savoir comment il est possible d’aider les acteurs et les organisations à rester ouverts à l’exploration du « nouveau » et à éviter ce qu’il nomme le « le piège de la compétence » d’un individu ou d’une organisation, leur « fermeture cognitive ».
Dans ses livres plus récents, <i>A Primer on Decision-making</i>, (1994), The Pursuit of Organizational Intelligence, (1999), et Explorations in Organizations>, (2008), J. March trace une synthèse des différents thèmes qui ont parcouru son travail, qu’il place sous la devise de la « recherche de l’intelligence » par les acteurs et par les organisations.
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